A l’aune de la guerre en Ukraine, la brûlante actualité de l’internationalisme…
Cet internationalisme à l’heure où nous écrivons ces lignes est plus que jamais à l’ordre du jour, alors que la guerre revient à l’avant-scène sur le continent européen, avec le déclenchement d’une violente agression russe sur le territoire ukrainien. Celle-ci intervient quelques jours après la reconnaissance par Moscou des républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk, invasion déclenchée au motif que le « régime de Kiev » refusait toute résolution du conflit. Le plus grave dans cette affaire c’est que Poutine a convoqué toute la quincaillerie mythologique nationaliste la plus réactionnaire pour légitimer cette opération impériale qui nie l’existence de l’indépendance de l’Ukraine et dénonce en Lénine (quoique l’on puisse penser de l’héritage d’Octobre) l’ « architecte » de l’Ukraine coupable implicitement d’avoir ainsi déconstruit un ordre impérial tsariste qu’il exalte à demi-mots pour une justifier une politique de « décommunisation », justifiant sa volonté de démantèlement d’une ancienne république d’union soviétique. Il n’est que son discours du 21 février pour se convaincre de la gravité de cette obsession « Vous voulez la décommunisation ? Cela nous convient parfaitement. Mais il ne faut pas, comme on dit, s’arrêter à mi-chemin. Nous sommes prêts à vous montrer ce que signifie une véritable décommunisation de l’Ukraine. »
Nul doute que l’extension de l’Otan, après 1991, OTAN dont il faut plus que jamais demander le démantèlement, allant jusqu’à une logique d’encerclement provocatrice voulue par Washington, ait pu contribuer à cristalliser cette dérive du pouvoir de Poutine. Mais cela ne saurait exonérer cette hubris du pouvoir poutinien qui avait su tirer sa légitimité du chaos de la transition après l’implosion de l’URSS, pour conforter une gouvernance devenue de plus en plus autocratique et renouer avec le pire répertoire du nationalisme grand-russien allant jusqu’ à ce que raidissement impérial et belliciste.
Pour autant, rien ne justifie davantage, les appels à une union sacrée, visant à dissimuler les objectifs irresponsables d’extension de l’Otan poursuivis par les dirigeants de l’Alliance Atlantique, pour mieux détourner l’attention des travailleurs sur leur gestion erratique de la crise sanitaire et des effets néfastes des politiques néolibérales conduites depuis plusieurs décennies, dans un contexte économique qui n’aura de cesse de s’aggraver en raison même des conséquences de la crise ukrainienne.
Personne n’est dupe des atermoiements et de l’ambivalence des dirigeants européens, qui bien que déterminés à mettre en œuvre des sanctions contre la Russie hésitent quant à leur niveau d’intensité, en raison des conséquences économiques qu’elles entraîneraient pour le continent européen, dépendant notamment de la livraison du gaz russe. Tout laisse à penser d’ailleurs que ces sanctions économiques outre le fait qu’elles puniront injustement la population russe de l’escalade sanglante enclenchée par leurs dirigeants en Ukraine, risquent d’aggraver la tension inflationniste observée notamment en ce qui concerne les tarifs énergétiques.
Quant au gouvernement ukrainien, lui même, issu du Maïdan, il serait tout aussi inconséquent de lui prêter des vertus d’humanisme démocratique qu’il est loin d’incarner. N’oublions-pas qu’il s’est illustré d’abord par une complaisance avérée à l’égard de son extrême-droite locale et par des mesures linguistiques discriminatoires qui ont permis à Poutine d’exalter le ressentiment d’une partie de la population russophone et d’introduire plus ou moins clandestinement des éléments appartenant aux forces spéciales dans les régions concernées. Il faut le souligner, qu’il s’agisse des tenants de l’union euro-atlantique comme de la Russie ou de l’Ukraine, l’ensemble des protagonistes s’inscrivent à des degrés différents dans la même acceptation du capitalisme et mettent en œuvre des politiques antisociales qui puisent à la même inspiration.
Un tel constat ne vaut évidemment pas absolution de l’invasion russe et la première exigence à formuler à ce stade est évidemment le retrait total des forces russes hors du territoire ukrainien, républiques séparatistes auto-proclamées y compris ! La seconde exigence corollaire de la première réside dans l’arrêt total du processus de développement de l’Otan à l’est et la dissolution d’une organisation militaire fondée sur le traité de l’Atlantique Nord dont la raison d’être résidant dans l’existence du bloc soviétique ne saurait être invoquée aujourd’hui, sauf à dissimuler les appétences impérialistes de Washington !
Enfin, il convient d’apporter tout notre soutien aux populations civiles ukrainiennes d’abord qui paient le prix fort de cette escalade sanglante décidée par Moscou et d’assurer l’accueil des réfugiés dans les meilleures conditions. Mais dans le même temps, il faut aussi apporter une solidarité aussi attentive à l’égard d’une opposition à la guerre qui a commencé à se manifester courageusement en Russie, face à un appareil de répression policière et judiciaire qui n’aura de cesse de l’éradiquer par les moyens les plus violents.
Cette attention aux mouvements d’opposition de gauche en Russie est d’autant plus requise, que tout laisse à penser que l’invasion de l’Ukraine et ses présupposés idéologiques néo-impériaux, contrairement à l’annexion de la Crimée ne suscitent pas, cette fois-ci une approbation unanime de la part de la population russe, malmenée par les réformes libérales de Poutine et éprouvée par la crise économique et par la crise sanitaire.
Puisque l’abcès nationaliste en train de gangrener les sociétés trouve avec cette agression russe sa cristallisation la plus mortifère, il est plus que temps de réapprendre les principes fondamentaux de l’internationalisme dont la CGT est l’héritière, cette CGT qui avait refusé lors de la première guerre mondiale de se commettre avec les tenants du social-patriotisme et de l’union sacrée entraînant les prolétariats européens, contre leurs intérêts de classe dans la grande boucherie impérialiste.
Face à la déferlante des idéologies réactionnaires et des politiques de l’identité qui chauffent à blanc les nationalismes rivaux, il convient de puiser au meilleur des traditions du mouvement ouvrier, pour y oppose la solidarité entre les peuples autour d’une promesse d’égalité religieuse, ethnique et de genre.
Il ne saurait être question d’accorder au président Macron et à son exécutif quelque soutien que ce soit, discrédités par leur allégeance atlantiste, face au nationalisme russe en voie d’hystérisation.
En quoi les états européens, engagés dans des politiques de contre-réformes qui brutalisent le corps social et eux même en proie aux dérives autoritaires, pourraient prétendre une alternative « civilisationnelle » ?
Une telle tragédie eut-t-elle pu être évitée ? Rien n’est moins sûr, mais force est de constater que l’Otan en poursuivant sa politique d’extension a nourri le symptôme nationaliste russe et à contribuer à radicaliser Poutine dans cette dérive autocratique et à l’inciter à privilégier une alliance avec la Chine, lourde de dangers.
Tout laisse à penser, que dans la phase actuelle de crise du capitalisme et de crise de l’hégémonie des classes dominantes, la montée en puissance des contradictions inter-impérialistes contribuent non seulement à donner à l’hypothèse fasciste une nouvelle actualité, mais à ramener la guerre elle-même dans le champ des possibles.
Ainsi donc, s’il faut dénoncer la politique impériale de Poutine et se mobiliser pour le retrait des troupes russes hors de l’Ukraine, et réaffirmer le droit imprescriptible des peuples à l’autodétermination, il faut dans le même temps refuser toute forme de surenchère et d’engrenage susceptible de conduire à de nouveaux embrasements aux conséquences imprévisibles, y compris en raison de la menace nucléaire.
Passé le moment de sidération, il nous faudra comprendre l’ampleur du basculement historique qu’ouvre la tragique séquence ukrainienne.
Outre le fait qu’elle ravive le souvenir des guerres qui ont ensanglanté le continent européen, tout au long de son histoire, elle nous invite à mesurer l’ampleur des risques que cette époque entraîne.
Au ralentissement et à la déstabilisation su régime d’accumulation tiré par la finance, jusqu’à la crise de 2008, s’ajoute les effets de la crise sanitaire avec une stagnation durable de la croissance et le retour du spectre de l’inflation. Cette crise du capitalisme qui perdure est par ailleurs totalement imbriquée dans la crise écologique dont le réchauffement climatique est l’un des symptômes le plus inquiétant pour l’avenir de l’humanité et de l’ensemble des espèces vivantes.
S’y ajoute désormais, la guerre comme horizon possible de l’histoire qui ajoute la menace nucléaire aux périls écologiques.
Ni rire, ni pleurer, mais comprendre aurait dit Spinoza. Il convient d’ajouter ici et comprendre agir pour faire bifurquer l’histoire et déjouer les pièges mortifères qui jalonnent son cours, à brève échéance.