Et voilà ce que Gisèle a trouvé !!!
« Les « hard skills » englobent le savoir et le savoir-faire, et les soft skills, ce qui relève du savoir-être. Celle approche dualiste des compétences appartient à la culture anglosaxonne qui accorde moins d’importance aux diplômes que la culture française notamment. Or, dans le milieu du management et des ressources humaines, cette vision binaire est de plus en plus partagée, à travers l’emploi des termes « hard skills » et « soft skills ». Elle apparaît souvent souvent dans un discours qui tend à survaloriser les « softs skills ».
Pour simplifier, on nous raconte que pour être recruté ou garder son emploi, il n’est pas nécessaire d’avoir des tonnes de diplômes, mieux vaut avoir « bon caractère » (gentil, enthousiaste, motivé, communicatif, positivement « influenceur »). On assisterait même à l’émergence d’un nouveau métier dans l’entreprise: une sorte d’ambianceur d’open-space, qui créerait de la convivialité pour stimuler la productivité de l’équipe.
Le rédacteur pris d’un sursaut de lucidité en arrive à poser la question qui fait mouche !
« Un nouveau job? Pourquoi pas ! Mais n’y a-t-il pas quelque chose de terrible dans cette nécessité d’un animateur de service pour donner aux salariés le goût de travailler, la capacité de se supporter les uns les autres ? »
Gisèle connaissait l’appétence de son amie pour les concours de karaoké mais de là à devenir une ambianceuse de bureau, il y avait un saut qualitatif difficile à imaginer…
Poursuivant ses amicales investigations Gisèle n’allait pas tarder à dénicher sur un site tout aussi institutionnel un complément d’information, semblant traduire chez les concepteurs de la novlangue appliquée à nos besogneuses administrations, une forme de doute quant à la définition, voire à la pertinence du concept.
« Lorsqu’on détaille les composantes d’une compétence, doit-on privilégier dans le choix du vocabulaire le terme de «savoir-être» ou celui de «savoir-faire relationnel» ? La question peut sembler futile. Elle pointe cependant un enjeu important : la nécessité pour une formulation d’être précise, comprise et partagée. Dans sa définition la plus commune la compétence relève de la mise en synergie d’un ensemble de «savoirs», de «savoir-faire» et de «savoir-être». Ce triptyque est facilement mémorisable. C’est le plus répandu. Si les deux premiers niveaux («savoir», «savoir-faire») ne posent pas trop de problèmes d’interprétation au rédacteur d’une fiche de poste, d’un cahier des charges de formation, d’un référentiel métier ou d’un entretien de carrière, il est cependant difficile d’en dire autant du savoir-être». Au sein de la fonction publique de l’État, le vocabulaire n’est pas stabilisé : – le Répertoire Ministériel des Emplois-types1 ne retient pas le terme de «savoir-être». Il se focalise sur les «connaissances techniques» et les «savoir-faire» ; – le Répertoire Interministériel des métiers de l’État (le RIME) privilégie quant à lui le «savoir-faire relationnel» : – a contrario, le Dictionnaire interministériel des compétences des métiers de l’État2 consacre sa troisième partie aux «savoir-être». L’AFNOR enfin, ne tranche pas : «Savoir-être : terme communément employé pour définir un savoir-faire relationnel, c’est-à-dire, des comportements et attitudes attendus dans une situation donnée» 3 .
Nous voilà bien avancés pensa Gisèle. Ils avouent la bouche enfarinée ne pas « voir stabiliser le concept ». Ce qui nota-t-elle avec une pointe d’ironie irrévérencieuse pour les gestionnaires RH et autres figures de l’encadrement n’empêche pas nos chefs de gloser jusqu’à plus soif sur une formulation qui divise les rédacteurs de fiches de poste et autres référentiels métiers.
Elle songea un peu désabusée aux errements de sa collègue affectionnée pris dans les mailles de ce discours que son fils en 1ère année de philo à Paris 8 qualifierait volontiers de « ontologiquement perché ».