Alors que dans nombre de pays l’extrême droite se présente comme une alternative pour les populations, revenons sur cette imposture et réaffirmons notre position résolument antifasciste…
Qu’il s’agisse de la victoire, lors des élections italiennes du parti néofasciste assumé Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni ou du résultat serré entre Lula et le cauchemardesque Bolsonaro, lors du premier tour de la présidentielle au Brésil, l’engagement de notre syndicat CGT Préfecture de Police au sein du réseau d’initiatives intersyndicales antifascistes (VISA) prend tout son sens.
Comment, alors que l’horizon social s’assombrit avec la montée en puissance de l’inflation et les attaques programmées par l’incertaine majorité Macronienne, contre notre camp social, ne pas s’inquiéter d’une vague brune qui loin de se limiter à l’hexagone est en passe de s’imposer dans un nombre croissant de pays, comme réponse à la crise d’hégémonie du bloc social dominant.
Singulièrement, les médias évoquant la situation italienne, ont par euphémisme évoqué la victoire d’un improbable « centre droit », contribuant à dédiaboliser un résultat qui consacre pourtant une inquiétante radicalisation de la coalition des droites, obtenant un score de 44% (dont 26% pour Fratelli di Italia), tandis qu’au Brésil, si l’avance de Lula da Silva au premier tour est avérée cela n’empêche pas le chef de l’état d’extrême droite Bolsonaro de réaliser un score plus élevé que prévu, (43,2%) et cela en dépit d’un bilan des plus délétères, quant à la gestion de la crise sanitaire notamment. Sans grande surprise, FdI est arrivé en tête des suffrages exprimés (26,21 %) aux élections législatives du 25 septembre, devant le Parti démocrate (PD) conduit par Enrico Letta (19,19 %), le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) de Giuseppe Conte (15,15 %), la Ligue de Matteo Salvini (8,87 %) et Italia Viva de Matteo Renzi (7,74 %). En ajoutant les voix obtenues par Forza Italia (FI) de Silvio Berlusconi (8,08 %), la coalition de droite obtiendrait ainsi 44,08 %. Il faut rappeler que depuis des décennies, les différentes coalitions, construites selon les équations et les époques, ont fini par lasser les électeurs et électrices. « Même le Mouvement Cinq Étoiles, qui avait obtenu plus de 30 % en 2018, a immédiatement fait un gouvernement de coalition avec la droite, rappelle l’historien italien Enzo Traverso. Ils ont déçu tout le monde. Giorgia Meloni est la seule qui n’a pas participé à la coalition qui soutenait le gouvernement Draghi. Elle a cherché à capitaliser ce malaise, ce vote protestataire contre l’état des choses, contre l’ordre dominant, contre la politique… »Et pour revenir à la situation italienne, si en effet la position dominante du parti néofasciste au sein du nouveau bloc de droite acquis à la poursuite des politiques néolibérales se trouve consacré, pour autant cet assemblage qui témoigne d’une certaine volatilité électorale ne constitue pas une véritable solution pérenne à la crise politique structurelle du système italien. En vérité l’ascendant de fratelli di italia sur des alliés en régression (La lega et Forza italia en chute libre) dont le score était encore de 4%en 2018 s’explique par le fait que cette cette formation peut seule se prévaloir d’une opposition claire au gouvernement Draghi. Pour autant, et c’est la contradiction majeure dans laquelle se débattra cette coalition la question centrale réside dans le fait de poursuivre ce qu’on appelle l’agenda Draghi, bien que Fratelli de Italia ait construit sa crédibilité dans ladite séquence électorale en campant sur une ligne d’opposition à la continuation des « réformes ». Cette configuration est d’autant plus complexe et tendue que la poursuite de l’agenda Draghi conditionne l’allocation des fonds européens dont l’Italie a besoin. En vérité, même les partis qui prétendent assumer frauduleusement une critique de droite du néolibéralisme n’ont en réalité d’autre choix de s’y rallier, et d’incarner un pôle autoritaire et xénophobe au cœur même des dispositifs de gouvernementalité néolibérale maintenue.
Cette banalisation de l’option néofasciste, certes rendue possible par l’ensemble des gages donnés au néolibéralisme en matière de gouvernance et même à l’atlantisme sur un plan géopolitique renvoie cruellement à ce phénomène d’évaporation d’une gauche digne de ce nom et de la quasi absence de mouvements sociaux en Italie. Ce constat est d’autant plus déplorable que ce pays comptait l’un des parti communistes le plus puissant d’Europe ainsi qu’une gauche extra-parlementaire disposant d’une base ouvrière significative et que les luttes sociales atteignaient un haut niveau d’intensité et de conflictualité avec l’appareil d’état (mai rampant). A ce titre, le PD quoique lointain héritier du PCI apparaît comme une parti de centre gauche qui ayant définitivement renoncé à définir les conditions d’une alternative au modèle néolibéral s’est trouvé dans l’impossibilité de définir un positionnement cohérent à l’occasion de la campagne électorale, laissant à l’improbable et sinueux mouvement populiste dit cinq étoiles le soin de capter l’exaspération populaire exacerbée par la montée en puissance de l’inflation. Ledit mouvement 5 étoiles quoique ne remettant pas en cause fondamentalement l’agenda néolibéral se veut porteur de demandes modérées, à l’instar du revenu de citoyenneté et sa réforme, dans un sens proche de celui du Hartz IV allemand ou de l’instauration d’un salaire minimum de 9 euros.
En l’espace de quelques semaines, le M5S a tout de même réussi à reprendre de la vigueur. Il s’offre une troisième place, grâce à la popularité de son chef de file, Giuseppe Conte, et un positionnement de campagne « à gauche ». Pour une partie de l’électorat concerné, le mouvement fondé par le comique Beppe Grillo a fait figure de vote utile. « Beaucoup se disent qu’avec une forte présence au Parlement, ils pourront se battre pour défendre certains acquis qui risquent d’être remis en cause », souligne Enzo Traverso.
Malgré cette remontée, le confusionnisme ambiant a suscité un mouvement de rejet qui a largement favorisé Giorgia Meloni.
Tandis qu’au Brésil, malgré un mandat marqué par le retour de la faim, la déforestation sauvage et le drame du Covid-19, le chef de l’Etat sortant a déjoué tous les pronostics et réalisé une performance inespérée, le leader de l’extrême droite n’ayant cédé que très peu de terrain à la gauche. Son score de 2022 est peu ou prou le même qu’en 2018 (46 %). Jair Bolsonaro est en tête dans la moitié des Etats de la fédération, dont certains des plus importants. Il obtient 51 % des voix à Rio de Janeiro et dans le district fédéral de Brasilia. Dans l’Etat de Sao Paulo, le plus peuplé du Brésil, il dispose, avec 47 % des suffrages, d’une confortable avance de 7 points sur Lula. Sans doute les coordonnées des situations italienne, bresilienne ou française sont marquées par des différences substantielles. . Reste que l’hypothèse néofasciste tend à s’imposer comme une équation politique compatible avec la crise d’orientation stratégique du néolibéralisme. En Italie, le recours au signifiant centre droit pour caractériser une coalition placée sous hégémonie néo-fasciste en dit long sur la capacité du bloc social dominant à notabiliser l’équation néofasciste, en en gommant les contours sulfureux. L’offensive de l’extrême-droite loin d’être localisée se décline à travers toute une variété de discours identitaires et de pratiques de gouvernementalité autoritaire et xénophobe, de la Hongrie à la Russie, de la Turquie à l’Inde, de Marine Le Pen à Trump ou Bolsonaro..
C’est dire si le syndicat CGT PP, dans cette conjoncture où se conjoignent tous les dangers, entend persévérer dans la construction d’un front uni antifasciste indispensable pour faire obstacle non seulement à la stratégie de conquête du pouvoir de l’extrême-droite, mais également à son entreprise de construction de l’hégémonie idéologique et particulièrement au sein d’une institution aussi cruciale que la préfecture de police. Tel est le sens de notre adhésion au réseau Visa.
Pour conclure, laissons parler le document d’orientation adopté par notre organisation syndicale, lors de notre dernier congrès de juin 2022.
» Il s’agira ici de comprendre que néolibéralisme et néofascisme sont deux étoiles jumelles qui s’entretiennent mutuellement et qu’à mesure que le néolibéralisme se cristallise sur les options autoritaires, mises à l’ordre du jour par l’exacerbation de la crise du capitalisme (y compris au plan écologique) l’hypothèse d’un nouveau fascisme semble s’inscrire dans la continuité logique d’un libéralisme autoritaire qui lui déblaierait la route au risque de le faire advenir. Il faut bien entendu ne pas céder à la tentation simplificatrice du raccourci consistant à tirer un trait d’égalité entre le bloc social dominant structuré autour de Macron, et les représentants de la droite autoritaire associée au fascisme, y compris quant aux types de régimes et aux modes de domination qui doivent être distingués. Nonobstant ce rappel de principe, il faut observer que l’exacerbation de la crise d’hégémonie du bloc social bourgeois coagulé autour de Macron en France, oblige en quelque sorte le néolibéralisme à nourrir l’altérité lepéniste tout en prétendant la combattre au nom d’un « progressisme » dévoyé. »