Réponse de la CGT Préfecture de Police à la lettre du Préfet de Police du 2 juin 2020

Par arrêté préfectoral, les jours heureux sont reconduits à une date ultérieure !

C’est avec consternation que nous avons pris connaissance du courriel de soutien adressé par le Préfet de Police, Didier LALLEMENT, aux forces de l’ordre, le mardi 2 juin 2020, le jour même où il annonçait l’interdiction d’un rassemblement en hommage à Adama Traoré.

Alors qu’en tant que représentant de l’état dans le département et responsable de la sécurité de l’agglomération parisienne il devrait être le garant de l’apaisement, ses prises de position partisanes et partiales ne font que jeter de l’huile sur le feu et risquent de jeter le discrédit sur notre administration, dans son ensemble.

Pire, elles entraînent un fossé d’incompréhension à l’égard d’une partie des usagers au risque d’exacerber un ressentiment croissant.

Le déni systématique du gouvernement et du préfet de police face aux violences policières, loin de contribuer à dénouer les tensions, ne fait que distendre les liens déjà fortement éprouvés entre la police et la population qu’elle est supposée protéger.

Il se prévaut de constituer un rempart contre le désordre et l’anarchie. Par son aveuglement il se fait le garant de la protection des possédants de ce pays auxquels ce gouvernement semble lié de manière organique. Est ce là sa vision de la police républicaine ?

C’est assumer de surcroît le risque de prendre en otage les fonctionnaires de police sincèrement attachés à l’idée de l’intérêt général et de les instrumentaliser pour la seule préservation des intérêts particuliers, en les transformant en auxiliaires d’un ordre social injuste et brutal avec les plus vulnérables.

Car s’il est évident que tous les policiers de ce pays ne sont pas ralliés aux idéologies les plus autoritaires et xénophobes, qui pourrait nier qu’il existe dans la police des effectifs violents et racistes,?. Qui pourrait le contester après des années d’accumulation de vidéos, témoignages, de morts et blessés, d’enquêtes sauf évidemment à souscrire aux suggestions liberticides d’interdiction des prises de vue à l’instar de l’ineffable Éric Ciotti ? Dans l’hypohèse d’un remaniement, il ferait un excellent ministre de la Vérité, chargé d’organiser méthodiquement le déni et de brider la moindre parole dissidente.

Par quelle cécité volontaire peut-on être ainsi privé du plus élémentaire sens commun ?

Et le préfet de police d’exalter « le rôle dans les grands moments de l’histoire de ce pays » de la Préfecture de Police. Chacun se souvient en effet du déclenchement de l’insurrection le 19 août 1944 et la contribution d’un certain nombre de fonctionnaires de police, à la libération de la capitale.

Pour autant, en tant qu’agents de cette institution nous n’oublions pas davantage ses pages sombres. En tant qu’organisation syndicale, nous avons vocation et devoir de combattre les dérives d’une institution dont les faits d’armes ne sont pas tant s’en faut, tous auréolés de cette même gloire, à l’instar de la rafle du Vel d’hiv conduisant à la mort nombre de juifs parisiens, adultes, vieillards et enfants, et la collaboration éhontée des brigades spéciales pendant l’occupation conduisant à l’arrestation du groupe Manouchian ou de feu notre camarade Henri Krasuchi, de Charonne et de la manifestation du 17 octobre 1961, des accointances non élucidées de certains fonctionnaires avec le SAC (police parallèle du régime gaulliste), de la mort de Malik Oussekine, (entraînant la dissolution

des « voltigeurs », de retour sous l’improbable acronyme des BRAV), les faits sont connus, inutile de prétendre ici à l’exhaustivité.

Il est de surcroît toujours périlleux d’affirmer de manière péremptoire « qu’il n’existe ni de policiers racistes ni de policiers racisés », comme si c’était un corps immunisé par essence des pathologies qui traversent hélas une partie de la société !

Dans le triste panthéon des classes populaires et de la contestation sociale figurent ,les noms ou prénoms de Zyneb et Bouna, Adama Traoré et Cédric Chauvin, autant d’absents, parmi tant d’autres qui requièrent aussi respect et justice. Ne pas mesurer la force de cet imaginaire collectif et de le traiter avec mépris ou condescendance constituerait une grave erreur de discernement !

Nous récusons la tentation de sacrifier tant à une vision angélique que manichéenne du rôle de la préfecture de Police. Celle-ci n’est pas imperméable aux rapports de forces qui structurent la société, pour le meilleur (le service public), mais aussi pour le pire (la répression et les dérapages incontrôlés et cette culture d’obéissance qui aliène l’exercice de la raison critique de certains fonctionnaires). Face à ce double écueil, nous entendons affirmer une vision lucide et critique, fondée sur nos prérogatives de citoyens dont l’usage est garanti par le code général de la fonction publique, que l’exécutif macronien souhaiterait neutraliser progressivement pour mieux l’éteindre.

Si comme l’indique le code de déontologie, la police est au service des citoyens, alors il leur appartient également d’en fixer les missions et d’en encadrer l’usage selon de véritables critères de proportionnalité et de définition collective du sens de son action. Au contraire, la détermination du niveau de violence lors d »une manifestation qui « pourrait tourner mal » demeure aujourd’hui le choix politique exclusif de ceux qui nous gouvernent. Mieux vaut traiter les causes que de gloser à l’infini sur les effets, pour mieux criminaliser les mouvements sociaux et cadenasser toute forme d’opposition sociale et s’exonérer de toute critique. L’utilisation de la force n’est plus légitime lorsqu’elle est conçue comme un moyen d’écraser la protestation populaire, ou de fermer les yeux sur un traitement discriminatoire exercé à l’égard d’une partie de la population, tandis que la protection d’un groupe social minoritaire prévaut en dernière analyse, comme le seul véritable objectif.

Pour la CGT Préfecture de Police, n’aborder la question de la police qu’en termes de moyens matériels de répression, toujours plus dangereux pour l’intégrité physique des citoyens, octroyés sans compter, dans l’exercice de ses missions relève d’une idéologie coercitive et à courte vue. Nier systématiquement les exactions de certains, voilà la source de bien des désordres qui jettent la suspicion sur la fragilité structurelle de notre république, dans un contexte d’état d’urgence sanitaire où les libertés fondamentales n’ont de cesse d’être piétinées et muselées. Ce sont ces dérives qui ont mené à cette fracture tragique de la police avec la population, coupure qui s’est exacerbée dès lors que les gouvernants successifs ont jeté avec mépris dans les poubelles de l’histoire l’idée d’une police de proximité ancrée dans l’environnement social et perçue comme un acteur de service public. Aucun service public ne peut perdurer sans s’interroger sur sa relation à l’usager qui est un acteur et un sujet de droit et non un simple objet désincarné ou un corps susceptible d’être soumis à une action coercitive qui ne s’autoriserait que d’elle-même, à la faveur de quelque régime juridique d’exception.

Il n’y aura pas de retour en arrière possible tant qu’une véritable réflexion autour du rôle et des missions de la police de son lien avec le corps social ainsi que son contrôle par les citoyens ne sera menée.

Il en va aussi de la dignité républicaine des fonctionnaires de police qu’il faut protéger de cette fuite en avant vers un autoritarisme sans cesse accru !

Il en va de la survie d’une large partie de la société, menacée par la crise économique qui par son amplitude révélera les inégalités qui n’ont de cesse de s’accroître. Il en va également du principe d’égalité et de liberté mis en péril par les régimes juridique d’exception introduits dans le droit commun, conjugués à un développement insidieux des technologies de surveillance .

Il en va enfin d’une fraternité qui ne sera pas recouvrée tant que l’arbitraire exercée au nom d’une minorité de possédants et de rentiers du capitalisme financier et la tentation autoritaire de plus en plus saillante ne seront pas jugulés.

Alors les jours heureux pourront renaître !

Téléchargeable ici : reponse au PP

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2 réactions on “Réponse de la CGT Préfecture de Police à la lettre du Préfet de Police du 2 juin 2020”

  1. Merci pour ces mots de soutien. Même si nous représentons une portion congrue, nous n’abandonnerons pas nos convictions. Je crois que d’autres choix son possible pour la police citoyenne.

    Fraternellement

  2. Bonjour camarades, je viens de lire votre réponse au préfet et son contenu ne manque pas d’être totalement en accord avec mes convictions d’une police républicaine et je suis fier de constater qu’il existe des fonctionnaires qui répondent aux valeurs de la démocratie. Dans la tourmente de violences que traverse notre pays et les exactions de nombre de vos collègues que vous dénoncez, vos voix ne sont en aucun cas entendues, car non relayées par les « médias » aux ordres des puissants. Donc pour une large majorité de nos concitoyens l’uniforme représente désormais la peur pour les uns, la colère pour d’autres. Je ne m’attarderai pas sur ce problème car vous vous y retrouvez confronté journellement ayant de plus à vous défendre contre une hiérarchie qui menace vos conditions de travail. Sachez camarades que je mesure vos difficultés et que nombre de gilets jaunes, de syndiqués, de militants les partagent. Je ne suis qu’un simple quidam, mais je tenais à vous faire part moi aussi de mon soutien dans votre combat. Amicales salutations syndicales.

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