La Préfecture de Police, alors même que notre pays traverse une pandémie inédite dans notre histoire moderne, a jugé bon de réunir le comité technique des administrations parisiennes afin de recueillir son avis sur le projet de réforme de notre administration ce 17 avril dernier. Cela a été l’occasion pour vos élus d’exposer leur analyse de la situation et de faire part de leur colère et de leur inquiétude pour la reprise. Vous trouverez ci-dessous notre déclaration…
Monsieur le Préfet secrétaire général,
Vous réunissez ce jour un comité technique dématérialisé afin de solliciter notre avis sur les projets de modification de l’organisation de la Préfecture de Police. Nous entendons bien que cela puisse être nécessaire pour rassurer nombre de collègues inquiets sur leur avenir. Cependant, nous estimons que les inquiétudes de nos collègues sont bien plus grandes face à la crise sans précédent que notre pays traverse.
En effet, l’épidémie de covid19 qui nous touche a déjà impactée plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens et fait plusieurs milliers de victimes, y compris parmi nos rangs. Nous souhaitons d’ailleurs profiter de la parole qui nous est donnée pour faire part de notre profonde tristesse quant à la perte de notre collègue de la police générale et avoir une pensée que pour celles et ceux qui auront été touchés par la maladie. Cette crise met en exergue les limites de notre organisation sociale et des choix politiques faits depuis des années. Ce moment d’exception éclaire aussi, pour être francs sur les limites quant aux capacités de l’appareil d’état à faire à garantir une protection de la population. La casse de l’hôpital public et plus globalement du service public, choix que nous dénonçons depuis toujours, privent notre pays des moyens nécessaires pour protéger et accompagner les populations dans cette épreuve. Il ne s’agit nullement ici pour nous de désigner les coupables. Ce n’est ni le moment, ni l’endroit. Cependant, si tous s ‘accordent à dire qu’il y aura un jour d’après, alors nous devons tous collectivement réfléchir aux causes du désastre que nous traversons, ne serait-ce que pour ne pas réitérer les erreurs commises, non pour viser tel ou tel mais pour refonder notre organisation sociale dans son ensemble sur des fondation qui tirent tous les bilans de l’épreuve que nous continuons de traverser. La CGT Préfecture de police s’associe pleinement, dès à présent à toutes les formes d’initiatives citoyennes visant à obtenir toute la lumière sur la gestion de la crise sanitaire par l’exécutif et la strate supérieure de l’administration ainsi que par un certain nombre d’acteurs de droit privé. Comptez en outre sur notre détermination pour que la santé des salariés du public comme du privé ne soit pas sacrifiée sur l’autel d’une croissance déjà ébréchée ni pour les versements des dividendes que la décence justifierait de suspendre.
Nous n’avons eu de cesse que de dénoncer les baisses de moyens alloués à la fonction publique, les mutualisations, réorganisations, fusions, transfert de missions qui loin de rendre plus efficient nos organisations n’ont finalement eu pour effet que de sacrifier le service public sur l’autel de l’austérité budgétaire et permettre le financement des cadeaux fait aux plus aisés. Pour la CGT la situation que nous vivons actuellement est une démonstration supplémentaire que ces choix mortifères pour les populations doivent cesser. Les manques de moyens donnés aux politiques de prévention et de protection ont contraint à mener ce que nous qualifierons la « politique de l’autruche », illustrée par le déni de réalité de nos gouvernants en ce début d’année face à l’extension de l’épidémie. Alors même que l’on envoyait les forces de l’ordre contre les soignants encore en janvier alors qu’ils ne faisaient que dénoncer le manque de budget pour l’hôpital public, comment interpréter le qualificatif de « héros en blouse blanche » utilisé depuis peu par nos gouvernants ? Ce même gouvernement qui tout en fermant les yeux sur la nécessaire commande massive de masque de protection en ce début d’année a su trouver les moyens de commander de nouveau LBD fin 2019. De la même manière, la fragilité du système de santé et cela en dépit du niveau d’engagement des personnels soignants, justifiera que l’on se penche le jour venu sur les principes de la nouvelle gestion publique qui ont favorisé la montée en puissance de managers totalement étrangers aux processus de soin et aux cultures des métiers de santé.
Il en va de même pour les collègues de la fonction publique envoyés en première ligne pour maintenir les services publics essentiels et qui demeurent menacés par l’application de la loi de transformation de la fonction publique qui vise à les précariser encore un peu plus à travers notamment le recours accru aux contractuels.
Nous devons stopper cette course folle dont nous voyons désormais qu’elle nous amène toutes et tous droit dans le mur. Bien entendu la CGT pèsera de tout son poids dans les débats et exigences qui ne manqueront pas d’apparaître. Cela passera bien entendu par la mise en place des gratifications promises par le gouvernement aux agents qui auront été placés en première ligne même si celles-ci ne sauraient dédouaner les employeurs publics de leur obligation de protection de la santé des salariés. Sur ce point nous vous demandons d’ores et déjà que des réflexions soient engagées sur la prime exceptionnelle dont le montant pourra aller jusqu’à 1000€ annoncée par le gouvernement mercredi dernier et qui pourra être versée aux agents publics ayant assurés la continuité du service. Le montant de cette dernière devant dépendre du niveau d’engagement de chacun il devient urgent de communiquer la liste nominative des agents présents dans les services, liste indiquée comme réglementaire dans la note ministérielle du 16 mars portant sur la création des plans de continuité d’activité et déjà demandée en CHSCT. De plus, nous souhaitons vous assurer de notre totale opposition au principe de retrait de jours de congés ou RTT pour les collègues en ASA ou en télétravail. Victime de ce confinement dont l’impact psychologique reste à évaluer, ne pouvant jouir librement de leur vie sociale et de leurs déplacements, certains mêmes ayant été touchés directement ou indirectement par la maladie, comment le gouvernement peut-il assimiler la période de confinement avec une période de congés ? Une nouvelle preuve s’il en était nécessaire de la duplicité de ce gouvernement qui face aux caméras loue le fonctionnaire mais par derrière s’empresse d’attaquer droits et statuts.
Quoiqu’il en soit et par-delà ces considérations immédiates, il nous appartient dès aujourd’hui de porter d’autres réflexions sur notre fonctionnement et notre organisation. C’est pourquoi nous allons voter contre les projets qui sont soumis à notre avis ce jour quant à l’organisation de la Préfecture de Police et de ces différentes directions et services. Non pas pour le plaisir de nous opposer comme beaucoup aiment à le dire mais simplement parce qu’ils sont l’héritage de ce que nous qualifierons le monde d’avant. Nous n’oublions pas que ces réformes sont la résultante d’une commande du ministère de l’intérieur visant à une reprise en main de la Préfecture de Police. Personne n’est dupe. Les rapports de force existant entre notre administration et son ministère de tutelle sont réels. Ils doivent comme tous le reste faire l’objet d’une remise à plat total pour en évaluer les conséquences sur notre fonctionnement au bénéfice des usagers. Nos organisations doivent être la résultante des politiques que nous souhaitons mener. Nous ne pouvons donc nous positionner sur des modes d’organisations résultant de choix politiques qui nous ont menés dans l’impasse. C’est le projet que porte la CGT pour le jour d’après. C’est le projet que la CGT fera en sorte de faire vivre.
Paris, le 17 avril 2020