Alors que beaucoup d’entre nous sont astreints au confinement, un certain nombre de questions commencent à apparaître quant à la gestion de la reprise et à l’application des promesses faites par le gouvernement. Tentons d’ores et déjà de répondre mais également d’identifier le travail colossal qui se trouve devant nous.
Tout d’abord sur le confinement, à l’heure où ces mots sont écrits, la position de l’administration est simple. Nul jour de RTT généré aux agents en ASA, sauf ceux identifiés comme « armée de réserve ». Nous venons seulement avoir communication des plan généraux de continuité des services. Il est donc impossible à cette heure de savoir qui est en première ligne, qui est en « armée de réserve » et qui est en autorisation spéciale d’absence (ASA). Il y a cependant fort à parier que pour nombre d’agents, ce confinement rime avec perte de jours de RTT in fine. Pire, le ministère de la fonction publique réfléchit actuellement à transposer dans la fonction publique les ordonnances du 25 mars 2020 permettant à l’employeur de décider unilatéralement la prise de congés à hauteur de 6 jours et l’utilisation de RTT ou jours du compte épargne temps à hauteur de 4 jours, soit 10 jours maximum globalement. Il est donc à craindre qu’à la reprise, beaucoup de fonctionnaires se voient privés de congés, le ministre Darmanin considérant que cela sera notre « pierre à l’édifice », à savoir notre effort sacrificiel pour le reprise de l’appareil productif !!!!
Ensuite, nous avons un certain nombre de questions sur la fameuse prime de 1000€ versée aux agents qui auront « héroïquement » consenti à venir travailler. Celle-ci est d’ailleurs en passe de passer à 2000€. A l’instar de la prime « Macron » suite au mouvement des gilets jaunes, le gouvernement incite à son versement mais n’en contraint nullement les entreprises D’ailleurs cette dernière n’a pas concerné la fonction publique. Mais revenons sur cette prime de 1000€. A l’heure ou nous écrivons ces lignes, Bruno Lemaire déclare que bien entendu les personnels soignants sont concernés et qu’il est favorable à ce que les fonctionnaires « en première ligne » en soient bénéficiaires. Mais qui exactement ?Mystère ! Il est à parier qu’il s’agit encore de fausses promesses visant à calmer la gronde qui monte chez les fonctionnaires particulièrement exposés à la contamination en l’absence de moyens de protection. Car ce sont les mêmes qui tentent de convaincre les salariés du public comme du privé que le droit de retrait ne peut s’appliquer ici, même lorsque l’employeur ne prend aucune disposition de protection. Les mêmes qui fustigent la CGT pour son préavis de grève du mois d’avril alors que celui-ci n’a pour but que de permettre aux salariés de s’extraire de situations dangereuses, le gouvernement préférant les sacrifier sur l’autel de l’efficience rebaptisée pompeusement « civisme de la production »…Mise à jour : déjà les premières reculades sur la prime
Alors bien entendu, nous allons demander cette prime pour les agents concernés dès lors que les choses auront été clarifiées. Mais croyez-vous que notre principal combat devrait se limiter à cette disposition ?
En tant qu’organisation syndicale progressiste et humaniste, nous dénonçons depuis des décennies l’évolution de nos sociétés placées sous le signe du prétendu incontournable paradigme néolibéral qui impose partout son modèle mortifère. Ne serait-ce que pour analyser cette pandémie, point besoin de recourir sur les théories du complot. La simple application du principe du rasoir d’Occam suffit. C’est bien la surexploitation des espaces forestiers à des fins économiques, détruisant la niche naturelle de milliers d’espèces animales, qui a favorisé une plus grande promiscuité entre ces espèces et l’être humain et donc le passage inter-espèces de germes commensaux pour l’animal mais pathogènes pour l’homme.
Ensuite, comment s’étonner de la situation des personnels soignants et de l’hôpital public qui tentent avec leurs moyens et au prix de leurs vies de nous sauver ?
Depuis des décennies nous dénonçons la baisse des moyens pour l’hôpital public, la gestion financiarisée et managériale des hôpitaux, le manque de reconnaissance des soignants….
Mais continuons…Concernant la fonction publique, la casse systématique du service public sacrifié sur l’autel de la rigueur budgétaire européenne donne aujourd’hui son « plus beau » résultat. Face à une crise sanitaire d’une grande acuité, c’est amateurisme le plus total. Aucune coordination entre ministères, pas de plan de continuité clair et évitant la compétition entre « chefaillons » zélés et ou irresponsables, un manque de moyens criant pour nombre de missions pourtant essentielles.
Dans un registre plus politique, alors qu’on nous expliquait, il y a à peine un mois, qu’il n’y avait plus un euro pour nos retraites, qu’un trou cumulé « hypothétique » de 100 milliards d’€ étant tout bonnement indépassable, là miraculeusement le gouvernement trouve une enveloppe de 300 milliards pour sauvegarder les entreprises. De qui se moque t-on ?
Alors oui, camarades, des combats nous allons en mener. Cependant, beaucoup s’accordent à dire qu’il y aura un après pandémie et que les choses changeront. Comptez-vous sur le gouvernement et ceux qui ont créé cette situation pour procéder aux changements nécessaires ? Einstein disait « qu’il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé le problème pour le résoudre ». Comptez-vous sur le gouvernement et le patronat qui après avoir appelé au confinement envoie chaque jour des millions de salariés au casse-pipe pour sauvegarder leurs profits ? Est-ce faire preuve de lucidité que de croire encore en eux ? Alors si nous appelons tous de nos vœux un changement, devenons ce changement et puisse t-il devenir la plus belle des contagions !
Commençons par ne pas nous tromper de combat. Ce ne sera pas la soumission aux canons d’une nouvelle vague de mesures austéritaires, ni l’acceptation docile d’un modèle social et économique qui met la vie de l’humanité et de l’ensemble du vivant en danger de mort. Nous y voyons, tout au contraire l’occasion de dépasser ce modèle, de rompre avec cette logique de mort pour rebâtir à nouveaux frais un monde socialement et écologiquement soutenable.