Le rôle de la Préfecture de Police est de protéger la population et non de réprimer les mouvements sociaux

Fonctionnaires rattachés au statut des administrations parisiennes ou fonctionnaires d’état, nous n’en demeurons pas moins des citoyens sensibles au climat social d’ensemble et à l’avenir de nos enfants.

Si nous avons des devoirs en tant qu’agents dédiés à des missions d’intérêt général, nous avons encore quelques droits impliquant de ne pas nous soumettre aveuglément ni à nos gouvernants, ni à notre hiérarchie quand elle outrepasse ses prérogatives.

Or le pays traverse une zone de turbulences où partout la violence sociale que nous ressentons au quotidien s’accompagne d’une brutalité qui est montée d’un cran.

La violence sociale c’est d’abord la surdité qui semble frapper nos dirigeants face aux revendications légitimes des salariés du public comme du privé. C’est aussi l’arrogance de nos hiérarchies se sentant pousser des ailes pour écraser les agents à l’aide d’un management de plus en plus étouffant calqué sur les pires méthodes du privé (le lean management de Toyota pour citer un exemple très prisé par nos DRH).

Outre la volonté de diviser l’opinion publique en braquant le projecteur sur le statut des cheminots présenté comme une niche de privilèges pour mieux taire le projet qui vise à démanteler le service public du transport, c’est aussi la répression qui s’aggrave sur tous les fronts de résistance au désordre social instauré par ce gouvernement.

C’est en bien des endroits l’activité syndicale elle même qui se trouve visée comme à la poste avec le licenciement d’un collègue de SUD, comme si la défense des intérêts des salariés s’apparentait à une activité séditieuse mettant en péril la sécurité intérieure . Mais ce sont aussi des poursuites judiciaires aboutissant à des peines de prison fermes ou avec sursis sur le fondement de dossiers montés de toutes pièces et de témoignages toujours à charge, à l’instar du retraité de Strasbourg ayant adressé un doigt d’honneur taquin au résident de la République…

Et c’est enfin, au nom de l’état d’urgence non seulement une limitation des droits individuels et collectifs, à l’instar de la liberté de manifestation de plus en mise restreinte, comme à Strasbourg où les cheminots se sont vus interdire la rue en raison d’un voyage présidentiel, justifiant la remise en cause des libertés fondamentales.

Et surtout c’est un recours démesuré et dangereux à la force pour briser des cortèges, grenader hommes et femmes de tous âges et non pas comme BFM aimerait nous le faire croire neutraliser une poignée de jeunes encapuchonnés de noir, fâchés à la vue de la moindre vitrine d’agence bancaire…

La manifestation du 19 avril a été de ce point de vue un festival quant au nombre de grenades lacrymogènes et de désencerclement,envoyées sans ménagement, de charges policières brutales contre de simples salariés totalement désarmés et sans intention violente.

C’est aussi les dépenses déraisonnables entraînées par l’opération de gendarmerie dans la ZAD de Notre des Landes qui outre son coût humain implique aussi un coût financier faramineux, entièrement à notre charge, en tant que contribuables.

Reste enfin la manière dont ce gouvernement entend traiter le mouvement étudiant, qui a subi à Nanterre, à Montpellier, à Lille ou à Strasbourg des interventions violentes pour rétablir un « état de droit » qui a plutôt le visage haineux d’un état d’exception glissant vers l’autoritarisme.

Il s’agit potentiellement de nos enfants et de ce fait nous sommes concernés.

Face à toutes ces menaces l’heure n’est ni à la résignation ni au chacun pour soi. Chaque défaite, chaque recul annoncerait une dégradation de nos conditions de vie et de travail et nous rapprocherait d’un régime où le mot liberté serait une formule vide de sens. Évidemment, tenant compte des attaques qui se préparent contre la fonction publique dans le prolongement de la SNCF, l’heure est à la solidarité et à la convergence des luttes. Mais elle est aussi d’abord à la prise de conscience de chaque agent de la Préfecture de Police quelle que soit sa mission, quant à la manière dont est utilisée notre administration et surtout dans quel but ?

C’est ici qu’il nous appartient de poser des questions sur les événements survenus à Tolbiac le vendredi 20 mai au matin où tout laisse à penser que l’opération policière s’est déroulée de manière beaucoup plus brutale qu’il n’a été dit. Les témoignages circulent et se recoupent sur ce point.

Ce n’est pas faire un procès d’intention à notre hiérarchie que de s’interroger sur les conditions exactes de cette opération. En effet les réseaux sociaux ont évoqué l’hospitalisation d’un jeune homme qui aurait fait une chute lors de l’intervention à Tolbiac, supposition ayant circulé sans moyens de recoupement, faute de transparence des autorités compétentes qui ont tardé à la démentir (l’APHP s’étant fendu d’un twitt samedi).. Qu’en est il donc ? Si cette affaire semble avoir alimenté une rumeur qui s’est enflée au fil des jours pourquoi avoir tant attendu et n’avoir pas balayé cette hypothèse avec clarté au lieu de laisser s’envenimer le climat de suspicion par un silence propice à toutes les spéculations ? Or si l’on peut se réjouir à l’heure où nous écrivons ces lignes, qu’aucun drame ne se soit produit, reste que les conditions de l’intervention elle même continueront d’alimenter craintes et controverses. Et cette brutalité qui a été masquée par une communication lénifiante a nourri les rumeurs. Cela est malsain !

N’est-ce pas faire preuve d’attachement à l’idée d’intérêt général que de nous interroger collectivement sur la façon dont la Préfecture de Police peut être utilisée par les sommets de l’État dans un contexte de mobilisation sociale et estudiantine ?

Il en va autant de notre droit de citoyen à être informé que de notre droit de fonctionnaires de ne pas voir la réputation de l’institution où nous travaillons entachée par une opacité dangereuse ou par une dérive répressive.

Ne nous y trompons pas chaque mobilisation qu’elle concerne les salariés du public et du privé ou des étudiants semble être devenue une activité à haut risque. Nos collègues exerçant des missions de police eux-même sont en droit de s’interroger sur cette spirale et sur le rôle qui leur incombe à l’égard du reste de la société.

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