Plaidoyer pour une réponse juste et proportionnée

Vous trouverez ci-après quelques réflexions sur les raisons qui nous ont pu nous amené à subir les terribles attentats de ce vendredi 13 novembre. Après l’émotion, la situation doit être analysé politiquement pour que le « plus jamais çà » prenne sens.

Jean Giono, dans son superbe livre « Refus d’obéissance », écrivait :« Je n’ai pas honte de moi. En 1913 j’ai refusé d’entrer dans la société de préparation militaire qui groupait tous mes camarades. En 1915 je suis parti sans croire à la patrie. J’ai eu tort. Non pas de ne pas croire mais de partir. »

Car oui, nos gouvernants nous font entrer dans une société de préparation de guerre, et je refuse d’y entrer pour ne pas avoir à le regretter.


Bien sûr que la tentation est forte. Moi qui suis un fervent défenseur du progrès, de l’héritage des Lumières, de l’usage de la raison, de l’humanisme, des valeurs populaires que sont la fraternité, la liberté, l’égalité… Oui je me sens meurtri, oui j’en veux de manière primaire primairement aux assassins et à leur commanditaires qui sont venus frapper dans leur chair mes compatriotes, eux qui auraient pu être mes parents, mes enfants, des proches, eux dont certains ont été des camarades de lutte. Oui l’envie de punir, d’en finir définitivement avec la barbarie de manière radicale et violente est présente. Mais…


Est-ce par pédanterie intellectuelle, par faiblesse, et la vérité c’est que je n’ai pas été touché dans ma chair mais pour autant, justement nous qui n’avons pas été victime, devons-nous tomber dans ces sentiments bien humains mais également bien déraisonnables? N’est-ce pas l’intérêt d’avoir une justice collective organisée pour ne pas subir la loi du Talion ?


Car réfléchissons au-delà de l’émotion. Pourquoi des étrangers ou des jeunes de « chez nous » embrigadés se retrouvent à frapper la France de manière si épouvantable ? Voilà bien une question intéressante que peu de politiques ne souhaite aborder depuis ce vendredi. Tel de mauvais médecins, ils vont tenter de soigner le malade en s’attaquant aux symptômes mais pas à la maladie.


Car oui, si la France est visée par des attentats c’est bien à cause de sa politique étrangère. Loin de justifier les attentats atroces que nous avons vécus, cette politique donne pourtant la matière à leurs auteurs.
Alors bien sûr, le sort réservé aux populations dans ces états islamistes nous heurte, nous choque, nous le pays des Droits de l’homme. Nous ne pouvons rester là à rien faire, regarder femmes, enfants, hommes se faire massacrer, priver de leur liberté. Mais n’ayons pas la mémoire courte car notre « belle » République laïque, lavé de l’opium des peuples pour paraphraser Marx, n’est pas si vieille.


Relisons ce texte de Victor Hugo :


Oui, ce fut monstrueux, oui, ce fut lamentable ;

On tuait dans la rue, on tuait dans l’étable ;

On jetait dans le puits l’enfant criant Jésus,

La mère, et l’on mettait une pierre dessus ;

On sabrait du Pasteur la vieille tête chauve ;

Les crosses des mousquets écrasaient dans l’alcôve

La nourrice au berceau, l’aïeule à son rouet ;

Siècle affreux ! Les dragons chassaient à coups de fouet

Devant eux des troupeaux de femmes toutes nues ;

La débauche inventait des rages inconnues ;

Rivières rejetant les noyés sur leurs plages,

Cavalerie affreuse écrasant les villages,

Cent monstres bondissaient de contrée en contrée ;

La cartouche éclatait dans la vierge éventrée ;

Feu, ravage, viol, le carnage, le sang,

La fange, et Bossuet, sinistre, applaudissant !



Ce texte, on pourrait le croire contemporain pour décrire les exactions de DAESH (si ce n’est la référence à Jésus). Pourtant c’est bien des exactions menées en France jusqu’à la fin du XVIIème siècle contre les protestants dont nous parlons. Notre histoire ne s’est pas faite en un jour et nos valeurs sont le fruit d’une longue construction.


Alors maintenant, pouvons nous fermer les yeux, nous peuple progressiste, face à des pays qui n’ont pas encore connu leurs révolutions, sociales ou culturelles et qui de ce fait connaissent les affres que nous-mêmes avons vécus il y a des décennies? Pouvons nous fermer les yeux alors que la mondialisation, les échanges et les voyages, ont fait que tout un chacun peut et doit se préoccuper, tout du moins s’intéresser, à ce qui se passe sur notre belle planète ?

Je réponds : non, nous ne devons pas fermer les yeux mais nous n’avons pas non plus à nous leurrer. Pour le sujet qui nous intéresse, c’est bien l’interventionnisme/impérialisme occidental qui pour défendre ses intérêts économiques a défaits des dictateurs au risque de créer un vide propice à l’implantation d’extrémismes en tout genre (la défense des populations n’étant qu’un prétexte, pourquoi sinon au même titre ne pas intervenir au Yémen ou en Erythrée…)? L’Afghanistan, l’Irak, la Lybie, la Syrie, le Liban et j’en passe… Qui peut encore dire que l’intervention de l’occident a permis d’apporter le progrès aux populations? Les pays occidentaux sont intervenus pour des motifs géo-stratégiques et économiques, plus personne ne le nie, assumant même des mensonges d’Etat comme l’Angleterre pour l’Irak. Et pour la population? Ils ont échangé la dictature contre l’extrémisme religieux. Des dictatures, nous en avons eu jusqu’en dans les années 80 en occident. Des Etats religieux extrémistes, voilà des siècles que nous n’en avons quasiment plus. Résultat des courses : au lieu de les faire progresser politiquement, nous les avons fait reculer de plusieurs siècles dans le cycle traditionnel de progression des valeurs démocratiques dans l’histoire des civilisations. Sans bien sûr rappeler que Notre démocratie, n’est pas celle des autres continents. A chacun son histoire, à chacun son régime politique et sa société.


Confucius disait : « Lorsqu’un homme a faim, plutôt que de lui donner un poisson, apprend lui à pêcher« . Je crois profondément que cela s’applique à nos sociétés. Plutôt que d’imposer notre mode de vie et social, aidons les peuples à construire le leur.


Mais là, gros écueil. Et nous débusquons le fond du problème. Le capitalisme ! Pour étancher sa soif de profit, celui-ci doit exploiter tout le monde et tout de suite, pas le temps pour les révolutions culturelles. En plus lorsqu’il voit en occident ce que les révolutions populaires ont donné, même de façon imparfaite (la Commune, la Révolution française, 1936, mai 68 quoiqu’on pense, pour ne citer que des cas nationaux), le capitale préfère ne prendre aucun risque. Ainsi, au gré de ses intérêts il préfère faire et défaire les régimes. Vous reconnaîtrez que pour le coup, en terme de valeurs humanistes et progressistes nous repasserons.


Et nos jeunes, ceux « bien de chez nous », quel modèle leur vend notre « belle » République sacrifiée sur l’autel du capitalisme et du profit ? Qu’il faut être pour avoir ! Et paradoxe, pour étancher sa soif de profit, le capital les prive des moyens d’avoir ! Bonjour la frustration. Résultats des courses, certains se tournent vers la religion et ses extrémismes ! Oh non, rassurez-vous, pas par choix dans la plupart des cas, mais par défaut. L’Islam en particulier avec les sunnas est propice a donner un système de valeur, de règles de vie permettant à des jeunes perdus de retrouver un cadre de vie avec des valeurs au sein d’une communauté. Et entre nous, rappelons nous notre jeunesse!!! C’est bien de cela qu’il s’agit. En construction la jeune femme et le jeune homme sont en recherche de leur identité et de leur place. Pensez-vous que la télé-réalité, la pensée unique, le consumérisme soient propices à offrir à ces jeunes un cadre de vie progressiste et empli de valeurs humanistes ? Comment s’étonner que la plupart sont issus de quartiers défavorisés ? Comment s’étonner qu’alors même qu’à grand renfort de publicité, on leur explique que pour appartenir à la société il faut avoir la dernière paire de Nike et le dernier Iphone et que dans le même temps l’exploitation des masses laborieuses les prive du même coup eux et leurs parents des moyens de subsistances ? Plutôt vicieux le système ne trouvez vous pas ? Le système les pousse vers ces mouvements.

Face à cela quelle réponse de la République? Sous prétexte d’austérité -et là encore pour engraisser le capital – on détruit services publics, systèmes de redistribution des richesses (Sécurité sociale et impôt progressif pour faire simple) provoquant de ce fait une fracture dans la société, une perte de repères et de valeurs communes et enfin la ghettoïsation d’une partie de la société. Ce sont ces choix qui ont permis de donner un espace d’expression pour les extrémismes de tout bord auprès de jeunes abandonnés et perdus. Voilà notre vérité !


Alors bien entendu, la France est embourbée et désormais et il faut réagir. Mais les premières réactions m’inquiètent. Politique sécuritaire, judiciarisation de la société, lutte armée et réduction des libertés individuelles… Nous allons soigner des maux par des maux pires. Une douleur chasse l’autre diront certains, mais là quand même…


Nos valeurs ont été attaquées et nous devons les défendre, mais sans stigmatisation, sans rogner nos valeurs républicaines fondamentales pour reprendre les propos de Robert Badinter. Mais le gouvernement doit aussi tirer les leçons de ces erreurs politiques. Comprendre que sa politique néo-coloniale participe pleinement à la déstabilisation de régions complètes dans le monde, favorisant l’apparition de mouvement comme DAESH. Mais également comprendre que la destruction de l’Etat tel qu’il a été construit par des siècles de lutte du peuple français et de son modèle social au profit du capital  permettra un recul sans précédent des valeurs progressistes dont tous se réclament pourtant.

Ce n’est qu’avec plus de solidarité entre les peuples, ce n’est qu’avec l’arrêt des guerres dont les peuples paient systématiquement le plus lourd tribu, l’arrêt de l’exploitation de l’homme par l’homme et la fin du capitalisme pour une véritable justice sociale, que l’humanité retrouvera la paix nécessaire à l’émergence et l’universalité des valeurs d’humanité, de fraternité que nous appelons tous de tout nos vœux !


L’humanité, la Femme et l’Homme ont besoin de sécurité, c’est un fait. L’égalité, la justice sociale et la paix sont et seront toujours la seule et véritable réponse !


Nous vivons une « époque formidable ». Restons soudés et ne répondons pas à l’appel « d’une société en préparation militaire » !

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